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Couvre-feu
Isabelle Roussel Stéphan
Revenons un peu en arrière.
Du Moyen-Âge à l’époque moderne, les citadins étaient contraints à un confinement nocturne, autrement dit à un couvre-feu, que le pays fût en guerre ou pas.
Le couvre-feu était imposé pour trois grandes raisons :
éviter les incendies dans des maisons en bois qui ne demandent qu’à brûler à une époque où la pierre est rare ; les moyens de lutter contre le feu sont alors dérisoires ;
réguler les horaires de travail ;
assurer la sûreté publique en maintenant les fêtards et autres buveurs déraisonnables chez eux, en limitant les bagarres de tavernes et les larcins en pleine nuit. Il semblerait que le couvre-feu ait aussi été « une manière de pallier la faiblesse numérique des forces de l’ordre »1.
Vers 19 heures, les municipalités faisaient sonner les cloches à toute volée, invitant les échoppes et les tavernes à fermer, les habitants à rentrer chez eux et à « couvrir le feu qui chauffe et éclaire les foyers, sous peine de lourdes sanctions. » Déjà !
« Un couvercle en fonte est posé sur l’âtre et la cité s’endort. […] Après le couvre-feu, plus personne n’a le droit de sortir et d’errer dans les rues »1.
Les portes des enceintes sont fermées, des chaînes entravent les rues principales, « les clés sont remises au représentant du roi de France, le prévôt »2. « Le guet est une obligation des corporations auquel s’ajoute à Paris le guet royal »1.
Avec une bonne raison, comme « appeler un curé pour administrer l’extrême-onction à un mourant, chercher une sage-femme pour un accouchement imminent, avoir une dérogation du maître pour travailler à des heures indues »1, il était possible de sortir à condition de se signaler « en criant et en portant une lanterne à main »1 ; l’attestation sur l’honneur n’avait pas encore été inventée.
La généralisation progressive de l’éclairage public des rues a eu raison du couvre-feu et des craintes qui y étaient associées ; le noctambulisme s’est largement développé au XIXe siècle avec les dandys, les bals populaires, les cafés-concerts.
Au XXe siècle, le couvre-feu est attaché aux guerres ; aujourd’hui, en 2021, point de feu à couvrir, point de chasse aux débauchés et autres voleurs de nuit, point de raids aériens… le couvre-feu à 18 heures en France est censé lutter contre le virus de la Covid-19.
Autres temps, autres mœurs !
Isabelle Roussel Stéphan
1. Arnaud Exbalin, Le couvre-feu permanent : une histoire longue du confinement nocturne, Article du 14.01.2021 sur www.theconversation.com
2. Didier Chirat, Surprenant Moyen Age, Larousse, 2020, p.99
mardi 15 février 2022